Le jeu Decameron

En ces temps de quarantaine/confinement, voici donc un petit jeu pour vous divertir ! Rendez-vous sur mon compte Instagram @lesalondefrivolites chaque jour pour y participer.

Le principe : comme celui du Decameron de Boccace, un roi ou une reine propose un thème chaque jour et j’écris une histoire courte à partir de ce thème pour vous divertir !

Comment ça marche ?
– Chaque jour j’ouvre une boîte à idée dans mes storys Instagram dans laquelle vous pouvez déposer vos idées de thèmes.
– En fin de journée j’en choisis un et écris un texte court à partir de ce thème.
– Le lendemain matin le thème est annoncé et le nom du roi ou de la reine, rendu public
– Je publie le texte dans la journée sur le blog, et dans mes storys Instagram (@lesalondefrivolites).

Jour 1 – Dans les bois
Jour 2 – Si la Magie existait, seulement dans nos rêves.
Jour 3 – Escapade médiévale
Jour 4 – Lingeries et confinement
Jour 5 – Bestiaire
Jour 6 – Divination
Jour 7 – Au-là de l’interdit
Jour 8 – La mythologie en lingerie
Jour 9 – Talons aiguilles et église gothique
Jour 10 – Montagne et dryades
Jour 11 – Nefertiti
Jour 12 – Un courrier inattendu
Jour 13  – Métro et velours
Jour 14 –  Mythologie nordique 
Jour 15 – Le même jour, mille ans plus tard
Jour 16 – Shibari
Jour 17 – La frite, mais sensuelle
Jour 18 – Le dernier jour de l’été
Jour 19 – Sous l’eau
Jour 20 – Banquet champêtre
Jour 21 – Princesse barbare

LES TEXTES

Jour 1 – 18/03/20
Reine : @valkyriaria
Thème : dans les bois !

Il est midi. Assise en plein soleil, dans un mélange d’herbe sèche et de feuilles mortes qui lui pique les fesses, elle se demande à nouveau ce qui lui a pris de venir là.
Elle repense à son après-midi cafardeux d’il y a deux jours. Alors qu’elle s’ennuie sur Instagram, une notification de message privé attire son oeil dans un coin de l’écran. 
“Bonjour, j’ai pris le temps de parcourir ton compte, j’aime beaucoup ton travail de modèle. Est-ce que ça te dirait de collaborer ensemble ?”
D’un doigt mou, et l’air sceptique, elle s’en va regarder le profil de l’auteur de la proposition. Elle scrolle lentement et découvre des photos techniquement maîtrisées, avec un univers agréable. Toutes les images sont faites en extérieur. Pourquoi pas !
“Bonjour, sympa ton univers. Que proposes-tu ?”
Son ventre gargouille, ses fesses la démangent décidément beaucoup, mais elle ne peut toujours pas bouger.
“Encore un instant s’il te plaît”.
En face d’elle le photographe se tortille dans une drôle de chorégraphie, à l’ombre des arbres, qui lui donne très envie de rire. Elle rit jaune intérieurement aussi, de sa propre image : à genoux dans les bois, ses cheveux dorés ondulant librement jusqu’à sa taille, vêtue d’un string en dentelle bleue, d’une brassière assortie, et recouverte d’un voile en tulle blanc transparent. Pour parachever cette scène insolite, elle tend à bout de bras une part de rainbow cake dont le glaçage commence à lui dégouliner sur les mains et goutter au sol.
“C’est bon, on a fini”
Il lui hurle la fin du shoot comme si elle était sourde, et se rapproche d’elle pour l’aider à se relever. Avant même qu’il ne l’atteigne, elle avait déjà bondi souplement sur ses pieds. Pendant qu’elle dégourdit ses jambes fourmillant désagréablement, elle se rappelle avec un sourire pourquoi elle est là. 
“Je te montre les photos ?”
Alors qu’il se rapproche d’elle pour placer le boîtier entre eux, elle l’attire plus près en passant soudainement le voile blanc autour de son cou d’une main, et lui arrachant l’appareil photo de l’autre. Il proteste mollement, pris de court. Elle parcourt les images en gloussant, sans se préoccuper du photographe qui commence à se sentir mal à l’aise.
Dans un éclat de rire sadique, elle lui balance que ses photos ne sont pas mal finalement, lâche l’appareil dans les feuilles mortes, et se rapproche en un éclair du photographe.
Une lueur de compréhension passe dans son regard vitreux. Trop tard.
Le voile blanc s’affaisse sur l’herbe sèche et recouvre les feuilles sur lesquelles elle était assise quelques instants plus tôt. Elle ouvre un compartiment sous le boîtier, récupère la carte SD et s’éloigne d’un pas léger dans l’ombre du bois.
Oui, décidément, c’était la dernière fois qu’elle utiliserait cette recette de glaçage. Il laisse vraiment trop de traces.


Jour 2 -19/03/20
Reine : @calytheturtle
Thème : Si la Magie existait, seulement dans nos rêves.

Melena réajusta sa longue robe de coton couleur ciel, et recoiffa rapidement ses cheveux roux qui lui arrivaient aux épaules en larges boucles. A chaque entraînement avec Kaly c’était le même manège : un début en douceur avec quelques sorts communs, pour finir en compétition acharnée qui dégénérait une fois sur deux en bagarre pour savoir laquelle était la plus puissante.
Kaly la fixa de son regard doré, puis éclata d’un grand rire qui fit s’agiter autour de son visage sa cascade de cheveux noirs. D’un geste désinvolte de la main, elle enveloppa Melena d’une brume scintillante qui redonna à la robe de celle-ci sa couleur profonde de fougère et son satiné habituel. Melena se détendit et vint la serrer dans ses bras. Comme à chaque fois, elles étaient incapables de se tenir rancune de leurs combats, qui leur servaient finalement à devenir chacune meilleure chaque jour.
Alors qu’elles se dirigeaient, bras dessus, bras dessous, vers les jardins aromatiques, le ciel habituellement parme vira soudainement au violet, et se couvrit de nuages gris. 
Les magiciennes se regardèrent, et, sentant le danger arriver, se placèrent en un éclair en position de combat. La menace ne tarda pas à arriver, sous la forme d’une gigantesque trombe d’eau turquoise sortant directement d’un des gros nuages brumeux et gris. Arrivée au sol celle-ci se mua en une créature immense, scintillante et tourbillonnante qui projeta le duo en arrière et se précipita sur Melena. Il lui appuyait terriblement sur le ventre, elle en avait le le souffle coupé. Mais, elle réussit à se relever péniblement, et, tendant ses mains vers le Mangebulle, lui envoya un flux d’air puissant pour tenter de désolidariser ses membres. Ce fut peine perdue, la créature fut à peine déstabilisée et avança de nouveau vers elle en articulant un cri muet qui forma un trou noir en lieu et place de sa figure. Kaly, encore un peu sonnée, se leva à son tour, et prononça un sort puisé dans les tréfonds de sa mémoire. 
Ses cheveux volèrent alors autour d’elle et ses yeux dorés devinrent bleu acier, sa longue robe légère se figea, et l’air refroidit soudainement. En l’espace de quelques instants, qui semblèrent une éternité, le Mangebulle se transforma en statue de glace. Melena se joint alors à elle, sa robe verte virevoltant autour d’elle, et d’une main, dont jaillirent des étincelles multicolores, elle fit fondre le monstre en quelques secondes.
Les deux amies dansèrent alors de joie et de soulagement dans l’immense flaque en riant, le soleil revenu dans le ciel mauve clair.
Melena se réveilla, les draps mouillés, en appelant sa mère depuis sa chambre d’enfant. C’était la troisième fois cette semaine.

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Jour 3 – 20/03/2020
Roi : @jef_dell
Thème : Escapade médiévale

Nous étions à la fin du mois de juin. La chaleur était maintenant bien installée, mais les murs du château, sur lesquels le soleil tapait pourtant continuellement, gardaient l’air frais à l’intérieur. J’étais partie de bonne heure ce matin, quittant la jolie maison à colombages de mes parents alors que les rues commençaient à peine à s’animer. L’atelier au rez-de-chaussée était encore fermé. C’était jour de marché, et les portes de la ville venaient de s’ouvrir pour laisser place au défilé de marchands venus de l’extérieur vendre leur denrées sur la place centrale. Les étals se montaient, et le volume sonore général s’en trouvait soudainement amplifié. 
C’était une belle journée. Je m’étais arrêtée en chemin chez Bertille, ma meilleure amie, afin qu’elle me souhaite bonne chance pour ce jour important. En sortant de chez elle, je m’étais heurtée à un groupe de cavaliers dont certains tiraient des charrettes bien remplies derrière eux. J’étais donc probablement en retard, et me mis à donc à presser le pas en direction de la route sinueuse qui montait au château.
La température commençait à grimper et je sentais la sueur dégouliner lentement le long de ma chainse en lin crème. Par-dessus j’avais enfilé une robe de lin rouge clair boutonnée aux manches, et un surcot bleu lacé sur les côtés, dont je tenais la traîne sur mon bras droit pour pouvoir marcher commodément. Sur ma tête, mon voile tenu par un cerclet tissé, me protégeait un peu du soleil montant. A mon bras gauche pendait de plus en plus lourdement le panier contenant la raison de ma convocation au château.
J’arrivais enfin à destination où, après m’être annoncée, l’on me mena directement aux cuisines dans lesquelles régnaient déjà une grande agitation. Et pour cause, ça n’était pas tous les jours que le Comte de Toulouse recevait le Duc d’Aquitaine. C’était la suite de ce dernier que j’avais croisé plus tôt ce matin, indiquant que la grande réception aurait bientôt lieu. Habituée des lieux, je croquais dans une délicieuse oublie encore un peu chaude, en  chipais deux autres, et filais dans les étages sans me faire voir.
Un peu essoufflée d’avoir grimpé ces hautes marches de pierre, je débarquais dans un couloir où je zigzaguais entre les domestiques pour enfin déboucher sur la porte que je cherchais. Je toquais, et une voix mélodieuse m’invita à entrer. La fille du comte, Philippa, m’attendait dans sa chambre, resplendissante dans une robe et un surcot bleu vif, bordé d’hermine. Ses cheveux blonds étaient tressés autour de ses oreilles, et elle portait le front haut des aristocrates. Sa coiffe n’était pas encore mise. Alors que je m’approchais d’elle avec mon panier, elle m’adressa un large sourire pour m’inciter à lui montrer le contenu de celui-ci. J’en sortis alors le fruit de longs mois de labeur : un somptueux collier fait d’un entrelac de tiges en or, surmonté de fleurs en perles blanches dont le coeur était fait de pierres précieuses, rehaussé d’une frange de pampilles d’or et d’argent à sa base et de perles noires courant sur le haut. Un chef d’oeuvre.
Ce travail m’assurerait la gloire en tant que bijoutière, et à elle, l’assurance d’être la future Duchesse d’Aquitaine.

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Jour 4 – 21/03/2020
Reine : @nonoslingerie
Thème : lingeries et confinement

Le tiroir a du mal à fermer. Camille jure et le rouvre pour voir ce qui gêne. C’est un porte-jarretelles dont l’attache s’est coincée dans la glissière. Du bout des doigts, la voilà dégagée. Ouf, c’est que ça n’est pas donné ces petites choses délicates. Peu importe la taille de la collection, ça fait toujours mal au coeur d’en abîmer.
Surtout que ce porte-jarretelles a été acquis seulement la semaine précédente, lors d’une séance de personal shopping avec une experte en lingerie. C’était avant le confinement, et ce souvenir continue de lui faire plaisir. En plus du porte-jarretelles, il y avait eu l’addition d’un joli serre-taille noir lacé avec un ruban de satin à l’arrière, des bas résilles avec une jarretière lacée à l’arrière également, ainsi qu’une paire de collants en dentelle.
Le rouge lui monte aux joues en y repensant, c’était vraiment une bonne expérience, car ce n’est pas dans ses habitudes d’acheter en magasin. Internet a sa préférence pour l’acquisition de nouvelle lingerie.
Mais voilà, maintenant il faut rester à la maison, loin des magasins, et la commande en ligne n’est pas une option avec les services postaux à l’arrêt.
Depuis des mois que Camille repoussait le rangement de son immense collection de lingerie, à présent au moins c’était chose faite. Et maintenant quoi ?
Dans son esprit ça s’agite. Ne serait-il pas l’heure de prendre ce temps pour soi et enfin porter toutes ces pièces qui finalement ne sortent que rarement des placards ?
Oui c’est décidé ! En un tournemain, le trépied est sorti, le reflex fixé dessus et le retardateur paramétré.
Camille choisit soigneusement sa tenue pour ces autoportraits : un crop top en dentelle noire, le fameux serre-taille en satin, le porte-jarretelle noir assorti ainsi que des bas couture noirs également. De quoi se sentir sexy à mourir en somme.
Une fois devant l’objectif c’est un vrai challenge de trouver des poses avantageuses, et ça en devient même fatiguant au bout d’un certain temps. Mais c’est tellement amusant, et l’assurance venant, ses poses s’alanguissent, et sa créativité s’exprime. Plusieurs changements de tenues plus tard, c’est le moment de voir le résultat.
Camille vide les photos sur son ordinateur portable et les ouvre en grand. C’est avec un mélange de gêne et de plaisir que se fait le visionnage. La lingerie choisie dévoile et met en valeurs des courbes insoupçonnées, ses jambes ont l’air infinies, sa taille plus menue.
C’est bouche-bée que Camille choisit ses photos préférées, en songeant avec satisfaction que vraiment, la lingerie et la dentelle, ce n’est pas que pour les femmes !

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Jour 5 – 22/03/2020
Reine : @arteidestudio
Thème : bestiaire

Aloïs essuya l’albumine de son pinceau déjà barbouillé de vermillon sur son tablier. Il arrivait au bout de la préparation des tempera dont il avait besoin pour travailler. Il aurait dû laisser cela à son apprenti, mais Flavien était cloué au lit depuis trois jours. Les moines de l’abbaye étaient venus en ville pour déposer le manuscrit à son atelier il y a une semaine. Il avançait plus lentement que prévu sans Flavien, mais il avait déjà sélectionné les peintures de pleine page et les grandes miniatures qu’il allait enluminer lui-même. Les marginalia et lettrines seraient pour son apprenti, ou d’autres compagnons moins expérimentés que lui.
Ce n’était pas un manuscrit comme les autres que lui avaient remis les religieux, c’était une version améliorée du Physiologus. Dans celle-ci, les illustrations étaient bien plus détaillées.
Il débuta son minutieux travail le lendemain. Les folios n’étaient pas encore reliés, il pouvait donc oeuvrer à l’aise. Le premier animal qu’il devait illustrer était l’Unicorne, une créature mythique à mi-chemin entre le cheval et la chèvre blanche, caractérisée par une corne, unique et torsadée, sortant de son front. Il avait déjà entendu des histoires à son sujet, certaines vierges de la ville assurant en avoir approché lors de leurs cueillettes en forêt. 
Alors que les touffes de poils de son pinceau s’agitaient avec application sur les aplats de couleur, Aloïs se surprit à rêvasser, mais une ombre passant dans son dos le fit sursauter. Un frisson l’envahit, d’où venait cette ombre rapide qu’il avait perçue ? 
Un rapide coup d’oeil à l’Aspidochélon qu’il était en train de finaliser le rassura, ce sursaut ne lui coûterait pas des heures de retouche. 
Quelques jours plus tard, absorbé par la réalisation des écailles d’une Sirène, un cri étrange provenant de la pièce d’à côté lui fit relever la tête, interdit. Pourtant rompu à la reconnaissance des sons des animaux qui l’entouraient, il n’avait jamais entendu ce son auparavant. C’était assurément un animal. Mais pas de sa connaissance. Troublé, il reprit le travail car le temps pressait pour cette commande.
De Hyène en Gorgone, d’Abeille en Phénix, il peignait sans relâche pour achever son travail le plus rapidement possible. Depuis le cri, plus rien n’était venu interrompre son avancement. 
Quelques jours avant que les moines ne reviennent chercher le manuscrit, Aloïs entendit du bruit dans la pièce où il préparait ses couleurs. Comme si un immense courant d’air l’avait traversée. Il s’y rendit au pas de course, et ce qu’il y vit le laissa muet. Son matériel était renversé, les précieux pigments éparpillés aux quatres coins de la pièce. Et au milieu de celle-ci, sis sur un coffre en bois, se tenait un superbe Griffon.  Sa tête d’aigle bigarrée avait un port majestueux, ses ailes brillantes repliées dans son dos, ses serres sombres griffant le couvercle du coffre, il battait l’air de sa queue de lion tranquillement. Apparue de nulle part, une salamandre colorée passa sous lui. Aloïs se frotta les yeux : depuis quand hallucinait-il sur les dessins et peintures qu’il réalisait ? Le Griffon semblait pourtant réel. Il s’approcha de lui en tendant la main, mais la créature s’envola alors par la fenêtre en poussant le même cri entendu quelques jours plus tôt, laissant tomber une plume dorée. Abasourdi, le maître enlumineur la ramassa machinalement et retourna à ses pinceaux terminer le flamboyant Phénix qui l’occupait depuis plusieurs heures.
Trois mois plus tard, Aloïs terminait son travail d’enluminure sur les folios, comme sortant d’un rêve éveillé. Ces créatures étaient-elles bien réelles ? Que s’était-il passé exactement dans son atelier ces dernières semaines ?
Quand il remit les pages prêtes aux moines revenus les chercher, un étrange soulagement l’envahit.

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Jour 6 – 23/03/2020
Reine : @cathoutarot
Thème : divination

Il faisait lourd dans la tente. Elle était en chanvre épais, teinté en violet. L’auvent fixé sur son entrée devait lui apporter un peu de fraîcheur, mais la chaleur était telle qu’il ne restait plus qu’à subir. Elle était pourtant située à l’ombre d’un grand cèdre au fond de la place de ce village de montagne. Son occupante somnolait dans son fauteuil, les tissus drapés à l’entrée de la tente la masquant un peu. De l’encens brûlait dans une coupelle dorée sur un petit meuble bas aux portes en moucharabieh derrière elle, embrumant l’atmosphère.
En ces temps difficiles pour le village, peu de personnes venaient faire appel à ses dons divinatoires, et les marchands de passage se faisaient de plus en plus rares. Nabiha sentait pourtant que cette inertie ne durerait pas. Le tirage qu’elle avait effectué ce matin le lui avait montré. C’est donc confiante en cette journée trop chaude, qu’elle se laissait aller au demi-sommeil, recouverte de son châle rayé rouge et doré.
Le léger tintinnabulement du carillon en cuivre de l’entrée de la tente la réveilla doucement. Une silhouette s’avança vers elle à contre-jour, c’était Jamile, la cheffe de l’atelier de tissage. Les journées passées penchée sur son métier à tisser l’avait voûtée avec le temps, mais son regard était aussi dur et brillant que dans sa jeunesse. Nabiha l’invita d’un geste à s’asseoir en face d’elle et lui proposa un thé. Jamile refusa, elle était venue pour savoir ce qui les attendaient, elle et son atelier, dans les semaines à venir et elle ne voulait pas attendre.
La tisseuse posa la rétribution habituelle dans le coffret en bois sombre à côté de la devineresse, et attendit que celle-ci batte les cartes. 
Alors que le jeu volait rapidement entre les mains de Nabiha, la brume d’encens se fit soudain plus épaisse, étouffante. Ni l’une ni l’autre ne parut surprise. Enveloppées dans des volutes de fumée odorantes, les deux femmes attendaient la suite.
Lorsque Nabiha abattit les cartes sur le velours brillant qui recouvrait la table, ces dernières se retournèrent d’elles-même, une à une, laissant apparaître le destin de Jamile.
Un chuchotement parvint à son oreille attentive. Nabiha demanda alors à sa cliente si elle souhaitait poursuivre. Forte de ce qu’elle avait entendu dans la fumée, celle-ci acquiesça d’un hochement de tête.
Les tubes du carillon en cuivre s’entrechoquèrent alors, comme mûs par une bourrasque, mais rien d’autre ne bougea dans la tente.
Une voix déchira l’air, une voix qui n’était ni de cette tente, ni de ce monde, une voix qui professa en phénicien : “Jamile, car ce que tu as donné te sera rendu. Va, et ne te retourne pas”. La tension qui s’était installée dans l’atmosphère retomba d’un coup.
L’interpellée se leva, complètement droite, et sortit de la tente d’un pas bien plus alerte qu’à son arrivée deux heures plus tôt.
Nabiha ressera son châle sur ses épaules, regarda son paysage familier redevenu calme, et remercia en pensée ce marchand de Batroun qui lui avait vendu sans le savoir cet ancien tarot magique quelques jours plus tôt. Elle le savait, grâce à lui, le village retrouverait sa force d’antan, car l’espoir et la magie sont les meilleurs remèdes au monde.

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Jour 7 – 24/03/2020
Reine : @angeliiique.t
Thème : au-delà de l’interdit

Elle y pensait depuis plusieurs jours déjà, cette idée la perturbant parfois pendant les réunions. Elle savait qu’elle ne devait pas céder, mais tout en elle la poussait à franchir le pas.
Elle avait toujours été sage, respectueuse de tous et des règles. Mais elle se retrouvait à présent dans une situation où tout cela était à deux doigts de basculer. Elle ne s’était jamais imaginer franchir les interdits de cette manière, mais il fallait une première fois à tout.
Depuis le début des chamboulements, cela faisait plusieurs fois qu’elle le lorgnait en passant. Se raisonnant d’abord, puis envisageant sérieusement l’issue qu’il lui offrait.
Et voilà, qu’un soir après le travail, elle se retrouvait devant lui. La tête lui tournait un peu, pleine d’hésitation. Et si quelqu’un la voyait ? Il n’y avait jamais personne dans cette rue, mais il suffisait d’une fois. Elle le regarda fixement, statuant intérieurement que personne ne déciderait pour elle aujourd’hui, elle serait une hors-la-loi pour son propre plaisir.
Ces réflexions étaient passées à toute berzingue dans sa tête. Quelques secondes à peine.
Décidée, elle appuya son pied droit sur la pédale de l’accélérateur, s’engouffra dans la petite rue et se retrouva rapidement au-delà du fameux panneau sens interdit.
Avec tous ces fichus travaux partout, c’était décidément l’itinéraire le plus simple pour rentrer chez elle, bonus adrénaline en sus.

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Jour 8 – 25/03/20
Reine : @marinevegh
Thème : la mythologie en lingerie

L’Olympe était en effervescence. C’était un jour spécial que les Dieux préparaient depuis longtemps. Partout allaient et venaient dieux, héros et muses, traversant la cité d’un pas vif, certains transportant à grand peine de lourdes charges faites d’amphores débordant d’ambroisie. Le banquet qui suivrait les festivités allait être grandiose.
Les allées et venues se faisaient plus denses autour d’un gigantesque bâtiment aux multiples colonnes colorées, dont le chapiteau de la façade était couvert de guirlandes de feuilles et de fleurs pour l’occasion. Les invités arrivaient et se pressaient à l’entrée dans une nuée de tissus aériens et chatoyants. 
A l’intérieur la foule se répartissait lentement dans l’immensité de la salle qui l’accueillait. Celle-ci était entièrement blanche, son plafond si haut qu’elle pouvait accueillir le trône de Zeus en personne quand cela était nécessaire. Et elle scintillait, un éclat surnaturel émanait de la pierre poreuse qui la composait, rendant presque superflu l’éclairage naturel venu du puit de lumière percé dans le toit. Les invités s’assirent sur les centaines de coussins moelleux aux couleurs vives posés au sol et attendirent avec excitation que le défilé commence. Quelques instants plus tard un doux carillon retentit, en même temps qu’Hestia faisait son entrée dans l’ovale de lumière que projetait le toit. Le défilé annuel de lingerie de l’Olympe. Les habitants du divin sommet vivant sous un climat chaud et égal toute l’année, la plupart avait décidé que la lingerie suffisait amplement à porter. Par conséquent, elle était devenue un enjeu important dans le paysage de la mode olympienne. Le défilé était donc un événement très attendu, car chaques Dieux et Déesses présentaient leur propre collection.
Hestia venait donc d’ouvrir le bal en entrant d’un pas décidé dans la lumière dorée. Celle-ci se reflétait sur un long voile vaporeux couleur bronze qui coulait souplement jusqu’à ses pieds. Il tenait sur ses longs cheveux noirs grâce à une couronne dorée finement ciselée. Un bustier de dentelle complexe, également dans les tons bronze, et rehaussé de bretelles en velours bordeaux ornait son torse. Elle portait une jupe du même voile s’arrêtant au-dessus de ses genoux, mettant en valeur les sandales au laçage en satin courant haut sur mes mollets. Elle était le feu incarné. Alors qu’elle s’en retournait vers son point de départ, quand Perséphone fit son apparition. Il émanait d’elle le même éclat scintillant que les murs. Cela provenait du tissu blanc qu’elle avait choisi pour créer le corset arachnéen qui gainait ses magnifiques courbes. Orné d’une demie crinoline ouverte sur l’avant dont les drapés cascadaient derrière elle tandis qu’elle avancait d’un pas lent. Ses jambes étaient habillées de bas de dentelle florale d’un blanc immaculé, retenus par des jarretelles ornées de fleurs pâles qui descendaient du corset. Sur ses boucles dorées était posée une extravagante couronne de fleurs blanches et vert pastel, faisant d’elle une glaciale reine du printemps.
Les Dieux et Déesses enchantèrent ainsi la salle de leur beauté et leur créativité pendant plus de deux heures.
Comme chaque année, Zeus clôtura le défilé. Le roi des Dieux et des Hommes fit une entrée spectaculaire depuis le plafond, porté par un aigle majestueux. Son torse puissant était sanglé dans un harnais de cuir doré et bronze formant des entrelacs délicats soulignant ses muscles. Sur son bassin était posé une fine gaze dorée, formant un drapé remontant en diagonale jusqu’à son épaule gauche. Marchant d’un pas triomphant, il laissa admirer à l’assemblée l’ample shorty de satin orangé bouffant sur ses fesses musclées.
Dans un coin de la salle, Héra regarda le spectacle, haussa des épaules d’un air désabusé, et pensa très fort que son mari était vraiment un vilain frimeur. Il allait falloir surveiller ce dévergondé imbus de lui-même au banquet dans quelques minutes.

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Jour 9 – 26/03/2020
Reine : @nonoslingerie
Thème : talons aiguilles et église gothique

Des pas résonnèrent sous la nef voûtée. Des pas lents, de ceux qui déambulent en admirant le chef d’oeuvre d’architecture gothique qui s’élève devant leurs yeux. Impossible de ne pas être soufflé par ces immenses voûtes en ogives défiant la gravité depuis 900 ans. La plupart des gens restaient plusieurs minutes la tête renversée en arrière à les observer, tentant peut-être de percer leurs mystères séculaires. Les pas se rapprochaient des chapelles latérales, Armand les entendait maintenant distinctement depuis les stalles du choeur qu’il était occupé à nettoyer. Il ne voyait pas la responsable des sons secs qui claquaient irrégulièrement sur le marbre du bas-côté. Car c’était une femme, à n’en pas douter, il reconnaissait toujours le son des talons aiguilles sur l’antique dallage de l’église entièrement vide. Cela faisait cinq qu’il officiait dans cette église, au sein d’une paroisse somme toute très tranquille. Et ces talons aiguilles n’appartenaient clairement pas à Marie, qui venait l’aider chaque matin à préparer le service. Il n’entendait plus un bruit à présent, seulement le bourdonnement sourd de l’orgue qui était un peu endommagé depuis quelques semaines. Intrigué par ce silence soudain, et curieux de découvrir la propriétaire des talons aiguilles. Il descendit du choeur en contournant soigneusement l’autel et se rendit dans le bras sud du transept. Il ne s’était pas trompé, la femme était là, dos à lui, béate devant le trésor de l’église : un sublime Caravage placé en hauteur sous un éclairage subtil qui faisait ressortir l’incroyable maîtrise du clair-obscur du peintre. Il profita de son ébahissement pour la détailler à la dérobée. Elle était grande, très grande même, probablement plus que lui. De longs cheveux noirs raides descendaient jusqu’à sa taille cintrée dans une veste en velours noir. Elle portait une jupe crayon noire également, qui lui arrivait juste au-dessus du genou, dévoilant le fin voilage de bas coutures. Ses mollets étaient galbés par des talons aiguilles tels qu’il n’en avait jamais vus : noir, vernis, à bout pointu et dont le talon culminait au delà des douze centimètres. Attachée à celui-ci, une chaînette en métal doré remontait jusqu’à la cheville, enserrée dans un fin bracelet de la même couleur, sur lequel la chaînette finissait sa course. Il terminait à peine son examen, plus agité que prévu, quand l’observée fit volte-face soudainement.
“Alors mon père, on mate souvent les paroissiennes de la sorte ? C’est pas très catholique tout ça dites-moi”.
Surpris et soudainement terrorisé par cette inconnue qui le dépassait effectivement d’une bonne tête, Armand se ratatina sur le premier banc de la croisée du transept.
Elle s’approcha dangereusement en faisant sciemment claquer ses talons sur le sol vénérable. Le son paraissait bien plus fort aux oreilles de l’officiant affolé sans bien savoir pourquoi. Elle se dressait maintenant devant lui dans toute sa splendeur ténébreuse.
“Alors, on ne dit plus rien ? Pas une petite excuse pour s’être comporté comme un pervers ?”
Le prêtre voulut bredouiller quelque chose, mais des syllabes sans aucun sens s’échappèrent pitoyablement de sa bouche.
“Quoi ? Je n’entends rien, il va falloir articuler”. Alors qu’elle prononçait ces mots, elle leva soudainement un genou et abattit son escarpin droit entre les cuisses d’Armand qui poussa un cri apeuré. Le téléphone portable de l’effrayante créature sonna dans son sac à main, détournant son attention. Le curé se réveilla soudain, et profita de l’aubaine pour courir se réfugier dans la sacristie qu’il ferma à double tour. Il colla son oreille à la lourde porte en bois et entendit les talons aiguilles s’éloigner. Il était soulagé, mais aussi étrangement excité.

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Jour 10 – 27/03/2020
Reine : @cha.oronwen
Thème : Montagne et dryades

Cela faisait trois jours qu’Ermelinde était perdue dans la montagne. Elle avait accompagné pour la première fois son père avec le troupeau pour l’estivage quelques jours auparavant. Mais une nuit, alors qu’ils dormaient dans le cabanon de planches légères surplombant le cheptel, ils subirent l’attaque de voleurs de fourrure qui tuèrent une partie des moutons. Son père lui avait hurlé de fuir par l’arrière de la cabane, qu’il la rejoindrait dans la forêt de chênes sur l’autre versant de la montagne. Elle avait détalé dans le noir sans vraiment savoir où elle allait, laissant dans son dos les bêlements de terreur des moutons et les bruits métalliques d’un combat. Depuis, elle errait dans la montagne en se demandant si son père n’avait pas rêvé cette forêt de chênes, dont elle n’avait jamais entendu parler. 
Dans son malheur elle avait la chance d’être née dans la montagne, et de savoir comment survivre grâce aux ressources de celle-ci tout en évitant ses dangers. Elle n’avait pas été pourchassée, mais elle n’avait pas non plus croisé son père, et cela l’inquiétait beaucoup. Elle venait de passer sur l’autre versant, bien plus ombragé. Ermelinde n’y était jamais venue, car c’était à plus d’une semaine de marche de son village. Faisant sauter ses boucles rousses sur ses épaules, elle cheminait dans les pierres, sur la descente qui menait vers un bosquet se dessinant en contrebas. Un mouvement attira tout à coup son attention vers les rares buissons qui bordaient le semblant de route. Elle braqua son regard mordoré dessus; les branches bougeaient encore mais rien ne semblait y loger. Probablement un petit animal du cru.
L’apprentie bergère continua sa descente à pas prudents, on ne savait jamais ce qui pouvait surgir des gros blocs de pierre qui formaient le relief autour d’elle.
Au bout de quelques heures, ce qu’elle croyait être un bosquet apparu distinctement devant elle : une forêt de chênes. Elle avait réussi, mais se demanda soudain pourquoi son père lui avait demandé de venir ici.
Elle se retrouva à l’ombre de chênes immenses, bien plus grands que celui à l’orée du village. Il lui fallut quelques instant pour s’habituer à la pénombre, et elle distingua alors une silhouette s’avançant doucement vers elle. Effrayée, elle chercha du regard où s’enfuir, mais s’aperçut rapidement que d’autres silhouettes convergeaient vers elle depuis plusieurs endroits de la forêt. Une voix délicate s’éleva alors : “Ermelinde, bienvenue dans notre forêt. Tu n’as rien à craindre de nous”. La jeune fille regarda alors mieux les femmes qui l’entouraient. Elles étaient vêtues de robes en tulle de toutes les nuances de vert, brillant et mousseux sur leurs corps élancés. Elles allaient pieds nus, et leurs longues chevelures, à peine retenues par des couronnes de fleurs et de fruits, flottaient autour d’elles. Des dryades. Son père l’avait conduite chez les dryades. Celle qui avait parlé s’approcha d’elle en souriant :
“Ermelinde, ton père est arrivé ici au dernier coucher de soleil. C’est un ami des dryades, viens avec moi et tu sauras son histoire”.
Elle suivit les protectrices de la forêt qui laissaient un fort parfum floral dans leur sillage, jusqu’à une clairière où elle retrouva son père avec un immense soulagement. 
Il est dit que toutes les âmes bienveillantes perdues dans les bois et forêts seront toujours aidées par les dryades. A vous qui lisez ces lignes, pensez à elles, et prenez soin de la nature qui vous entoure, sur laquelle elles veillent avec tant de grâce.

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Jour 11 – 28/03/2020
Reine : @emimar_giski
Thème : Néfertiti

Néfertiti entra discrètement dans la salle de réception en se glissant entre deux des imposantes colonnes richement décorées. Akhénaton menait déjà la soirée d’une main de maître. Bien que jeune pharaon, il était déjà très sûr de lui. A tel point qu’il avait fait avancer la date de la fête-Sed, la célébration de régénération du Pharaon.
C’était le soir du banquet, et tous leurs sujets allaient bénéficier des largesses royales. Mais les têtes couronnées ne seraient pas en reste, Néfertiti y avait veillé. Elle était d’ailleurs venue, entre autres, s’assurer que les esclaves avaient bien compris ses ordres pour plus tard.
Sa longue robe de coton rouge bruissa doucement quand elle s’installa près d’Akhénaton pour lancer le banquet. Elle portait une perruque au tissage complexe sur la partie avant, l’arrière était fait de multiples tresses fines terminées par des perles de verre colorées qui tintaient à chacun de ses mouvements. Au sommet de son crâne était posée une magnifique couronne fine en or martelé surmontée d’un cobra serti de jaspe et de turquoises. Elle posa sa main sur celle de son époux et l’observa un instant. Il portait sa coiffe de pharaon, qui tombait sur ses larges épaules en plis soignés. Sa barbe postiche était rayé de bleu et d’or. Son torse nu était huilé, et son pagne en lin crème retenu sur ses hanches par une large ceinture en or incrustée d’agathes de plusieurs couleurs. Ensemble, ils observaient la salle de réception pleine à craquer de convives venus profiter des mets offerts par le couple royal. Toute la puissance du pharaon était démontrée pendant la fête-Sed, et rien ne la démentait. De la musique aux boissons, en passant par les tables débordantes de nourriture, jusqu’aux danseuses engagées pour l’occasion, rien ne permettrait de mettre en cause la divinité sacrée d’Akhénaton.
L’heure était très avancée lorsqu’une esclave s’avança respectueusement vers Néfertiti en lui annonçant que leurs appartements privés étaient prêts. La reine la renvoya d’un geste lascif de la main et se tourna vers son époux pour lui signifier la nouvelle.
Ils se levèrent alors de concert, saluant majestueusement l’assemblée qui se courba jusqu’à ce que le couple divin quitte la salle.
Ils arrivèrent à la porte de leurs appartements, où ils congédièrent l’escorte personnelle qui les avaient suivis à travers le palais et la foule pour les protéger au besoin.
Les hauts battants de bois sculptés s’ouvrirent sans qu’ils n’eussent rien à faire ni demander, et se refermèrent derrière eux dans un bruit étouffé.
Les époux royaux s’arrêtèrent un instant pour contempler ce qu’il avait fait préparer pour clore cette première fête-Sed mémorable. Devant eux, alanguis sur des coussins tressés de fils colorés, s’étendaient de jeunes hommes et de jeunes femmes, légèrement flous dans la brume d’encens qui alourdissait suavement l’atmosphère.
D’un large geste du bras gauche, Néfertiti invita Akhénaton à choisir et marquer ainsi le début de leurs festivités privées.
Le pharaon s’installa sur un coussin, contre un petit palmier et saisis doucement le bras d’un éphèbe qui le regarda d’un air troublé. Il posa délicatement ses lèvres charnues à l’intérieur de son poignet, l’embrassant d’abord, puis lentement, enfonçant ses canines dans la peau ferme, jusqu’à ce que le sang chaud et épais emplisse sa bouche. Le jeune homme lâcha alors un soupir d’extase.
Néfertiti s’installa alors de l’autre côté de l’adonis en pamoison, repoussa les boucles brunes de son cou, et se livra au même rituel qu’Akhénaton.
Ainsi démarra le véritable banquet pour les souverains.

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Jour 12 – 29/03/2020
Reine : @peupfag
Thème : courrier inattendu

Mardi, seize heures quinze. Je m’ennuie à mourir à la bibliothèque universitaire. Cela fait trois fois que je relis le même paragraphe d’un livre sans en comprendre un traître mot. Sur mon ordinateur, le chapitre que j’ai commencé ce matin n’a pas avancé d’un pouce. Cette thèse me désespère, et faire semblant de travailler ne m’aidera clairement pas. Autant remballer mes affaires et rentrer chez moi me détendre.
Avec un air sérieux, je range mon sac soigneusement en ignorant les regards envieux des autres étudiants qui pensent que j’ai plus avancé qu’eux aujourd’hui.
J’habite près de la fac, ce qui est plus une malédiction qu’autre chose. Elle est éloignée du centre-ville, et cette proximité me rappelle sans cesse que je dois travailler au lieu de boire des bières à la terrasse du bar d’en face.
Je ramasse mon courrier avant de grimper les quatre étages à pied. C’est le seul sport que je fais depuis que j’ai commencé mon doctorat, je m’y accroche.
Mon appartement n’est pas très grand, un petit deux pièces de quarante mètres carrés. Mais j’en ai fait un endroit chaleureux avec quelques plantes pour contrebalancer la triste banalité des meubles Ikea. En m’affalant dans le canapé gris que j’ai rehaussé avec des coussins de couleur, j’attrape le courrier en râlant d’avance sur les factures que je vais découvrir en déchirant les enveloppes.
Au milieu d’elles j’en découvre une sur laquelle je lis mon adresse dans une écriture manuscrite à l’encre violette. Il n’y a pas d’expéditeur à l’arrière. Intriguant, ce n’est certainement le dentiste qui prendrait un tel soin pour m’envoyer une facture.
J’essaie de l’ouvrir avec soin, mais dans ma hâte je déchire l’enveloppe ainsi qu’un coin de du papier qu’il y a à l’intérieur. Flûte. Je déplie rapidement la lettre -car c’en est bien une- et dévore les deux feuilles A4 dont les lignes sont recouvertes de cette belle écriture à l’encre violette. Je n’en crois pas mes yeux. Mon coeur bat à tout rompre, je dois reprendre mon souffle. Cette lettre est un boulet de canon qui explose dans le mur de ma solitude construit depuis que j’ai commencé cette thèse. Elle est signée de Louis, qui était dans ma classe de 3ème. Louis que j’ai tant aimé pendant toute une année, sans ne jamais recevoir autre chose que sa froideur et sa gêne. Le passage au lycée nous a séparés et je n’ai jamais plus eu de ses nouvelles. Et là, dix ans plus tard, sur ce papier recyclé, avec sa plume teintée d’encre violette, je lis qu’il ne m’a jamais oublié. Qu’il n’aurait jamais dû me repousser comme il l’a fait. Qu’il était encore confus au sujet de sa sexualité à cette époque, et n’a fait son coming-out que très récemment. J’en tremble. A la fin de la lettre, il a laissé son numéro de téléphone.
Me voilà désemparé, ce courrier est parfaitement inattendu. Et pourtant, au fond de moi, son souvenir est là, intact. Son grand sourire franc, les fossettes de ses joues, l’éclat de ses yeux verts sous ses cheveux bruns et broussailleux.
Je n’hésite qu’un instant et saisis mon portable pour composer son numéro.

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Jour 13 – 30/03/2020
Reine : @paulinelgg
Thème : métro et velours

Cela faisait des heures qu’ils marchaient dans les tunnels vides du métro parisien. L’entrée qu’ils utilisaient habituellement pour descendre dans les catacombes avait été découverte et condamnée par les autorités. Mais il étaient toujours préparés à ce type de déconvenue, et avaient prévus d’autres points d’entrée. Or, les deux autres ouvertures de secours, qui n’étaient pas près les unes des autres, avaient été repérées et bouchées également. Quelle poisse. Sans se laisser décourager, Pauline, Eude, Lily et Julien décidèrent d’abattre leur dernière carte : une entrée dont un ami leur avait parlé, mais qui tenait l’information de quelqu’un d’autre. En bref, un plan pas très fiable, mais quittes à être déjà crottés de poussière et autres saletés, autant pousser et vérifier si ce tuyau était véridique.

Le groupe chemina donc prudemment le long des rails jusqu’à la station, abandonnée depuis 1921, qu’on leur avait indiquée. Ils se hissèrent l’un après l’autre sur le quai en béton brut, et s’assirent pour se reposer un instant et mieux regarder cette station qui n’avait jamais été mise en service. Ses carreaux de faïence étaient presque tous au sol sauf sur certains pans. L’ensemble était copieusement tagué. Il était trois heures du matin, et un silence pesant s’installa sur la bande d’amis aussi émerveillés que fatigués. Julien en profita pour sortir son vieil appareil argentique et immortaliser la fin de leur périple nocturne.

Une vibration familière se fit soudainement sentir. Sous leurs pieds le sol se mit rapidement à trembler, et au loin, le crissement de roues sur les rails se firent entendre. Interloquée, la bande se regarda sans vraiment comprendre. Pauline, à demi penchée sur les voies, hurla :

“Un métro ! Les gars c’est un putain de vrai métro qui arrive !”.

Affolés, ils se plaquèrent tous contre les murs voûtés de la station alors que le véhicule entrait effectivement avec fracas le long du quai. C’était une rame Sprague-Thomson verte, avec un écusson doré de Paris sur le flanc, qui venait d’ouvrir ses portes dans un grand bruit de métal. Le groupe d’explorateurs urbains s’en approcha doucement, pensant que le bip caractéristique de la fermeture des wagons retentirait d’une minute à l’autre, mais il n’en fut rien. Dévorés de curiosité, ils entrèrent alors, et eurent l’impression de faire un bond soudain dans le passé. Les sièges étaient tous en bois vernis et recouverts de velours d’un rouge foncé magnifique. Toutes les barres en fer était dorées, et de belles ampoules globes parcouraient le plafond-miroir. Une fois tous à l’intérieur, les portes se refermèrent d’un coup, et le métro repartit, faisant hurler de terreur les quatres amis à l’intérieur. Pauline voulut s’assoir et se faisant, remarqua qu’elle ne portait plus ses bottes de marche, mais de petits escarpins noirs avec une bride sur le dessus du pied. Son jean et sa parka avaient disparus, remplacés par une robe longue du même velours que celui des sièges. Complètement désorientée, elle leva la tête pour s’apercevoir d’un changement de tenue similaire sur ses amis : Eude et Julien étaient à présents revêtus de costumes en velours rouge et arboraient des papillons en velours noir autour du cou. Lily portait la même tenue qu’elle. Ils n’étaient plus seuls dans la rame. Une foule élégante s’y pressait, trinquant au champagne dans des coupes de cristal. Elle écouta les murmures autour d’elle. On fêtait l’inauguration de cette tout nouvelle rame. Comment était-ce possible ? Elle attrapa un verre de bulles et s’en fut rejoindre ses amis aussi étonnés qu’elle. Personne n’avait pris de drogue avant de descendre. Après une rapide discussion, ils décidèrent d’un commun accord de profiter de cette situation aussi étrange qu’exceptionnelle, et qu’il verraient bien où cela les mèneraient. Julien sortit son appareil photo et pris une photo du groupe ainsi accoutré. Cela ferait un superbe cliché pour son compte Instagram.

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Jour 14 – 31/03/2020
Reine : @julie_mptt
Thème : mythologie nordique

L’écho des tambours résonnait encore dans les hautes voûtes de bouleau de Sessrúmnir. Les musiciens s’étaient interrompus à la demande de la maîtresse des lieux qui souhaitait faire un discours. A contre jour des flammes qui rugissaient dans l’immense cheminée, Freyja s’avança, son collier d’or et d’ambre rougeoyant dans la pénombre. Arrivée au centre de la pièce, elle ôta sa cape de plumes de faucon, soulevant un nuage de poussière lorsqu’elle tomba à terre. Consciente de la vision irréelle qu’elle représentait, vêtue d’une robe de lin fin qui ne laissait rien ignorer de son corps parfait, elle haussa la voix pour souhaiter la bienvenue aux guerriers qui venaient d’arriver au Fólkvangr. Elle ponctua son discours, en levant haut la coupe d’hydromel de sa main gauche, renversant quelques gouttes dorées au sol.
Un tonnerre de hampes de lances martela le sol pour la saluer. Avec un sourire éclatant, elle ramassa sa cape d’un bond et s’en fut vers le fond du hall rejoindre Freyr, son frère jumeau. 
Il la félicita de son superbe discours, avec un brin d’ironie dans la voix. Elle le bouscula en riant, vida son verre d’un trait, et regarda la foule de guerriers et guerrières assemblée dans sa demeure. 
C’était une joie dont elle ne se lassait pas, que de voir les Einherjar, ces combattants d’exception, festoyer ainsi pour l’éternité.
Alors que l’heure était déjà avancée, les portes grandioses du manoir s’ouvrirent soudainement, comme sous le coup de la poussée finale d’un bélier.
Dans un rugissement de colère, Loki fit une apparition inattendue au milieu des fêtards. Visiblement éméché, rouge de boisson et de colère, il s’adressa à Freyja en postillonnant copieusement. En hurlant, il l’accusa d’avoir détourné une demoiselle de lui en le faisant passer pour un importun plus tôt dans la journée. Il s’avança, menaçant, sans que la déesse ne bouge d’un cil, et éructa qu’un tel affront ne pouvait rester impuni.
Il se mit alors à égrener, à l’attention de tous ceux qui écoutaient, les écarts de conduite de la maîtresse de maison. Outre le fait qu’elle soit une fêtarde notoire sans aucune limites, il assena qu’elle avait couché avec tous les dieux d’Ásgard et de Vanaheim (ce qui faisait un sacré nombre), mais aussi, hérésie suprême, avec d’autres créatures non-divines !
Il ne s’arrêta pas là, et désignant du doigt Freyr, qui était resté silencieux jusque là, l’accusa de forniquer avec sa soeur jumelle. A peine Loki avait-il formulé la fin de sa phrase que le jumeau de Freyja s’élança vers lui la hache au poing, déclenchant ainsi une bagarre générale dans le hall.
La déesse, qui avait bien écouté les arguments du dieu malicieux, grimpa sur la longue table en bois et cria à tous de stopper là leur chahut ridicule.
Ses cheveux dorés volèrent autour d’elle quand elle s’exclama sous les regards incrédules :
« Bande d’hypocrites qui jugez à la hâte ! Il est évident que je n’ai jamais couché avec mon frère, regardez-donc sa trogne ! »
Tout le monde éclata de rire et Loki se renfrogna. Elle poursuivit :
« En revanche ! Il est vrai que j’ai couché avec tout Ásgard, Vanaheim et même une partie des autres mondes. Et donc ? La belle affaire ? En quoi cela importe-t-il quand Odin a lui aussi honoré les neuf mondes ? Feriez-vous donc deux poids deux mesures en fonction du sexe ?
Laissez donc moi vivre en catin bienfaitrice voulez-vous ? »
Sur ces paroles, elle bondit au sol, se resservit un verre, et avala son hydromel d’une longue gorgée en regardant Loki, penaud, droit dans les yeux.
La fête reprit là où elle s’était arrêtée, au son grave des tambours.

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Jour 15 – 01/04/2020
Reine : @valkyriaria
Thème : le même jour, mille ans plus tard

1er avril 3020. 
Il paraît qu’à l’âge de la Grande Déchéance, le premier jour d’avril était consacré aux blagues et aux tours malicieux. Étrange tradition. De toute façon étant donné la manière dont leur ère s’est terminée en 2022, ce n’est pas si étonnant qu’ils aient choisi de célébrer annuellement le rire au dépens des autres.
Je suis une spécialiste de cette ère, qui continue de beaucoup intriguer, et nourrit encore de nombreux débats. Je travaille d’ailleurs actuellement sur un chantier de fouilles absolument passionnant. Il est situé au sud de la Magna Dityká, ce qui correspondrait au pourtour méditerranéen de la France ou de l’Italie, nous ne sommes pas bien certains du tracé des frontières. Etant originaire du centre, où les températures sont douces toute l’année, le climat du sud est un peu difficile à supporter. Les températures extrêmes du désert rendent le travail compliqué, et nous avançons doucement sur un périmètre gigantesque.
Il a été difficile de localiser les anciennes villes car plus personne n’habite dans le sud de la Magna Dityká depuis le 22ème siècle. La hausse des températures que nous avons constaté à partir du 21ème siècle a finalement forcé un exode vers ce qui correspondait à leur nord dès les années 2070. Sur le site que nous étudions, nous avons dégagé deux structures assez imposantes à quelques kilomètres l’une de l’autre. La première, immense, en forme de bateau, semble avoir été un lieu d’habitation. La forme inhabituelle nous fait cependant douter. Nous avons identifié la seconde structure comme étant un centre commercial. De ce que nous savons de ces lieux, c’était des endroits où beaucoup de gens se rassemblaient pour acheter des choses regroupées dans des échoppes agglutinées les unes aux autres. Nous pensions au départ à une sorte de culte, mais les recherches tendent à démontrer que ce n’est pas le cas. Cela conforte néanmoins notre théorie selon laquelle la majorité de cette civilisation ne savait plus rien faire par elle-même.
J’écris aujourd’hui car une chose étrange est arrivée et cela doit être consigné quelque part. Alors que, passablement fatiguée, je déblayais une pièce du bâtiment-bateau, je suis tombée sur un ancien outil de communication. Nous avons à présent assez bien identifié les outils de communication de la Grande Déchéance, et j’ai pu reconnaître une génération de téléphone des années 2020. Parfois j’ai le tournis quand je réalise que ce que j’ai entre les mains est âgé de mille ans. Le dispositif était dans un état de conservation extraordinaire, je n’en avais encore jamais vu d’aussi bien conservé. Je l’ai mis de côté afin de poursuivre le déblaiement de la pièce, quand celui-ci a émis un bruit. Impossible, aucun téléphone encore en état de fonctionnement n’est parvenu jusqu’à nous, et leurs technologies n’existent plus. 
Pourtant, en m’approchant, j’ai pu constater que le son émanait bien du mobile, dont la surface noire s’était illuminée. Je me suis penchée dessus, en me gardant bien de le toucher, afin de lire ce qui s’était affiché soudainement sur l’écran.
Je ne parle pas les langues éteintes, alors je retranscris ici en attendant que notre spécialiste arrive sur site et traduise ce que nous avons trouvé :
“Send nudes”.

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Jour 16 – 15/04/2020
Reine : @valkyriaria
Thème : Shibari

Mélodie jetait des coups d’oeils frénétiques et anxieux sur son smartphone pour regarder l’heure. Encore deux heures. Impossible de se concentrer sur sa réunion. Elle regarde les gens s’agiter autour de la table sans entendre un seul son. Elle repense à ce matin, quand, assise dans le lit, son amoureuse lui a tendrement souhaité un joyeux anniversaire et tendu un petit paquet un peu mou en la fixant avec de grands yeux réjouis. Heureuse de l’attention, elle en avait défait les liens de bolduc doré avec impatience, et son coeur avait manqué un battement quand elle en eut découvert le contenu. Une invitation pour le soir même, dans un lieu qu’elle ne connaissait pas, lui proposait de découvrir “ce dont elle a toujours été curieuse”. L’invitation était posée sur un foulard de soie rouge, décoré de dessins rappelant les personnages d’estampes japonaises.
Le rouge avait envahi ses joues à l’évocation des dizaines d’hypothèses qui lui traversèrent l’esprit en un instant. Mélodie savait dans quelle direction se dirigeait la soirée, mais pas d’idée précise de ce qui l’attendait. Elle s’en trouvait à la fois très impatiente et pétrifiée d’angoisse. Elle tressaillit presque imperceptiblement quand son collègue lui toucha doucement le bras pour signifier que la réunion était terminée. Enfin libre ! La jeune femme fila chez elle se doucher et se changer pour passer une tenue confortable, selon les indications de sa partenaire. Elle la retrouva une heure plus tard, le ventre noué, à l’adresse indiquée sur l’invitation, devant un superbe immeuble haussmannien. La porte s’ouvrit après qu’elles aient sonné, et elles montèrent dans un pieu silence les trois étages qui les séparaient de la surprise. Mélodie poussa l’unique porte entrouverte du palier et pénétra la première dans l’appartement. D’un regard elle embrassa l’immense espace qui s’ouvrait devant elle, et sut quel était son cadeau. Dans les hauts plafonds à moulures étaient fixés des attaches, et le parquet de bois sombre était en partie recouvert de tatamis. Des lumières douces éclairaient la pièce, lui donnant une ambiance très intime. Une jeune femme les accueillit avec un sourire chaleureux et une attitude bienveillante :

  • Bienvenue à ta séance privée de shibari !

Mélodie jeta un coup d’oeil empli de reconnaissance à sa chérie, qui savait qu’elle était curieuse de cette pratique depuis bien longtemps. Après une longue discussion autour d’un thé sur ses envies, ses limites ainsi qu’un point sur la sécurité, comme dans un rêve, elle se retrouva à genoux, le dos bien droit, sur un tatami. Elle portait uniquement un body de coton noir à manches longues, et ses longs cheveux bruns étaient ramenés en queue de cheval haute sur son crâne.
Elle baissait les yeux sur ses mains posées sur ses cuisses nues, quand elle entendit pour la première fois le son des cordes heurtant le sol. La jeune femme s’agenouilla à son tour devant elle, et lui prit doucement les mains. Tout en soutenant son regard, elle attacha les poignets de Mélodie ensemble et, dans un mouvement fluide, passa la corde doublée autour d’elle. Cette première morsure du chanvre sur sa peau l’électrisa. Le haut de son corps fut rapidement contraint dans un harnais, l’empêchant de mouvoir ses bras, repliés dans son dos. Son attacheuse semblait danser autour d’elle, l’enveloppant de ses gestes et de ses cordes dans un fascinant ballet. Elle n’entendit bientôt plus la musique qui continuait pourtant de jouer depuis le début de leur session. Elle se sentit soudain soulevée du sol par ce harnais, et se retrouva sur la pointe des pieds en même temps qu’elle cria de surprise. C’était à la fois inconfortable et intriguant. A peine eut-elle le temps de s’y habituer, que, par un jeu de cordes autour de ses hanches et de ses cuisses, elle fut soudain dans les airs. Le souffle coupé par la douleur inédite des cordes creusant sa chair, elle bascula dans une autre dimension. Avec son accord, son attacheuse lui banda les yeux avec le foulard de soie reçu le matin même. Puis dans un mouvement doux et lent, relâchant une des cordes fixées à un point de suspension, elle fit basculer le haut du corps de Mélodie vers le sol, et détacha ses cheveux qui vinrent magnifiquement balayer le tatami sous elle. Son amoureuse, qui contemplait la scène depuis un coin sombre de la pièce était bouche bée. Elle admira longuement ses superbes formes prises dans les cordes dans un sublime clair-obscur, ses jambes repliées vers son dos, l’extraordinaire cambrure de celui-ci, sa tête se balançant doucement en faisant onduler ses cheveux, et sa bouche entrouverte dans un sublime abandon. L’attacheuse s’arrêta un instant pour la contempler à son tour, puis virevolta à nouveau autour de Mélodie dans une chorégraphie concentrée, détachant corde après corde, lesquelles s’effondraient au sol dans un bruit mat. En un rien de temps Mélodie se retrouva allongée au sol, détachée, transpirante et pourtant visiblement apaisée. Elle ouvrit les yeux et lança un regard plein d’amour et de joie à sa partenaire de vie depuis cinq ans maintenant, qui combla cette dernière de bonheur.
Elle lui rendit son regard, puis, discrètement, vérifia que la bague qu’elle serrait au creux de sa main était toujours là. La soirée n’avait pas encore révélé toutes ses surprises à Mélodie.

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Jour 17 – 16/04/2020
Reine : @metauxlourds
Thème : La frite, mais sensuelle

L’heure était enfin arrivée. Après un déshabillage expéditif, elles étaient à présent nues entre leurs mains. Plus rien ne les séparait du contact de leur peau sur leur chair ainsi exposée. Frissonnantes alors que l’air ambiant était brûlant, elles se laissèrent manipuler et emmener, indolentes, vers le bain. Elles furent rapidement immergées toutes entières, le liquide enrobant leur chair et les pénétrant délicieusement. Ainsi réchauffées jusque dans les moindres recoins de leur anatomie, elles émergèrent au bout de quelques minutes de ce premier bain, comme repulpées. Ainsi resplendissantes et luisantes, elles furent conduites pour un instant de repos dans un espace dédié.
Vaguement conscientes des allées et venues autour d’elles, elle prêtaient peu d’attention aux voix venues de l’extérieur, provenant de personnes les regardant avec avidité.
Alors on les mena vers le second bain, bouillonnant, et si attirant. On les invita à y plonger complètement, afin de renforcer les effets de leur première immersion. Cette fois, la morsure du liquide fut plus vive, et elle s’y laissèrent couler avec volupté. Elles en sortirent en majesté, leur carnation teintée de reflets dorés, plus appétissantes que jamais entre les mains de ceux qui leur prodiguaient ces soins.
Ces mêmes mains qui leur appliquèrent ensuite amoureusement un gommage au goût salé, et les drapèrent enfin dans une enveloppe blanche pour absorber l’excédent de liquide qui transpirait encore de toutes leurs fibres détendues.
Dans un dernier hommage à leur sensualité, ces mains qui les avaient si bien parcourues et connues, les offrirent ainsi vêtues, dans toute leur impudeur, à l’une des personnes au regard gourmand de l’extérieur. La personne se saisit d’elles avec fougue :
“ Pouah ce que j’avais la dalle, allez tiens, goûte, les meilleures frites de Bruxelles!”

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Jour 18 – 17/04/2020
Roi : @dezartprod
Thème : Le dernier jour de l’été
Musique : Ghost, album Prequelle

Appuyée au chambranle en bois de la porte-fenêtre, un verre de blanc moelleux à la main, elle écoutait le chant des martinets. Le soleil déclinait doucement, et la douce chaleur des derniers rayons l’enveloppait en projetant une lumière dorée sur le parquet derrière elle.
A côté d’elle, la silhouette de son chat assis, les yeux mi-clos, se découpait à contre-jour. Tout était calme, seuls résonnaient les cris des martinets groupés passant dans des vols qui s’étiraient artistiquement dans le ciel bleu pâle.
Une légère brise souleva le bas de ses longs cheveux cuivrés, et fit frissonner la peau nue dessous. L’été se terminait, lentement, comme tous les étés du sud.
Cette période la plongeait toujours dans une sorte de mélancolie rêveuse. Comme si elle faisait ses adieux au beau temps et à la chaleur à jamais, pour plonger dans l’abîme de froid et de désespoir de l’hiver à présent si proche.
Mais l’heure n’était pas à la déprime ! Elle fit tinter son verre en le déposant sur la table basse, et se dirigea d’un pas sémillant vers sa chambre pour se changer. Elle passa une longue robe noire et fluide à fines bretelles, décorée de fleurs blanches et roses, et attrapa un gilet léger. Le dernier jour de l’été les soirées sont déjà fraîches.
Elle enfila des ballerines, claqua prestement la porte derrière elle et dévala les vieux escaliers en marbre. Elle était déjà en retard.
Une odeur de pizza l’assaillit lorsqu’elle sortit dans la rue, faisant prématurément gargouiller son ventre. Le sourire aux lèvres, elle marcha rapidement, faisant voler la longue robe, et parfumant son sillage de ce parfum qui la caractérisait si bien.
Le doux tintinnabulement des mâts des bateaux du port accompagnaient son trajet, dont elle vit bientôt la fin en apercevant une silhouette bien connue. Celle-ci lui faisait de grands signes depuis l’avancée qui surplombait la mer, offrant une vue à couper le souffle sur la baie.
Elle embrassa sa brune amie sur les deux joues, et elles s’assirent pour regarder ensemble la toute fin du coucher de soleil en discutant. Lorsqu’elles se levèrent, celle qu’elles attendaient les rejoint avec un large sourire, faisant voler ses boucles blondes en les embrassant. Elles marchèrent un instant en gloussant le long de la mer, pour rejoindre leur bar favori au coeur de la vieille ville. Laissant derrière elles le bruit étouffé des restaurants et des touristes, elles s’engouffrèrent dans leur antre préférée dont les portes s’ouvrirent sur un air de funk. Elles en ressortirent quelques heures et verres de tequila plus tard, dans l’étroite rue pavée couverte de nuit. Pouffant et zigzagant dans les rues presque désertes, se racontant une dernière histoire pour la route, elles se séparèrent sur la grande place à arcades qui les avait vues boire tant d’apéros pendant leurs études.
Elle parcourut lentement le chemin jusque chez elle, profitant de cette nuit encore douce, s’imprégnant de cette ambiance nocturne si spéciale. Une fois couchée dans son lit moelleux, fenêtres ouvertes, elle regarda les rideaux légers, mûs par un vent presque imperceptible, s’agiter mollement, et s’endormit. 

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Jour 19 – 18/04/2020
Reine : @lunaees
Thème : Sous l’eau
Musique : Light Asylum et Arnaud Rebotini

Le temps était déjà sublime au matin. Les rayons du soleil faisaient scintiller l’eau à peine ridée par un léger vent. La saison estivale tirant à sa fin, il y avait peu de bateaux au mouillage au large de l’île. Ondine termina son café, appuyée au bastingage de la proue, en observant les poissons filer, produisant des éclairs d’écailles argentées dans l’eau turquoise. Les autres avaient déjà terminé le petit-déjeuner depuis un moment, et se changeaient pour aller nager.
Elle marcha rapidement sur le deck déjà brûlant sous ses pieds nus pour aller chercher ses affaires de plongée. Cela faisait déjà deux jours qu’elle barbotait avec les autres en faisant du snorkeling, mais elle avait envie d’aller plus loin dans ce coin de Méditerranée qu’elle ne connaissait pas encore. Ondine releva son abondante chevelure noire sur sa tête, et se prépara consciencieusement avec Cyrielle qui vérifiait qu’elle n’avait rien oublié. Elle avait l’habitude de plonger seule, mais on est jamais trop prudent. Une fois prête, assise  sur le garde-corps, elle se renversa en arrière dans l’eau qui envahit immédiatement sa combinaison. Elle était à peine fraîche, et se réchauffa rapidement au contact de son corps.
Elle prit un instant pour observer son nouvel environnement. Les rais de la lumière du jour transperçaient l’immensité bleue dans laquelle elle flottait, parfois troublés par le passage de bancs de petits poissons beiges. Sous ses pieds, alternaient de grandes surfaces couvertes de posidonie dans lesquelles pointaient parfois le fluo de la caulerpa taxifolia, avec des étendues de sable qui paraissaient ne pas avoir de fin. Au loin, les rochers sombres de l’île semblaient menaçants. Elle plongea plus profondément, flirta de loin avec un petit poulpe, tenta une vaine approche vers des sars, et repéra des aspérités dans un banc de sable plus bas. Des tourbillons de petites bulles marquaient son sillage, et des volutes de sables se soulevèrent autour d’elle lorsqu’elle toucha le fond. Il faisait bien plus sombre, son profondimètre indiquait vingt mètres. Ondine approcha sa main gantée de ce qui lui apparraissait comme un rocher, et ouvrit des yeux démesurément grands derrière son masque quand elle s’aperçut qu’elle touchait en réalité une amphore recouverte d’algues et de mollusques. Elle avait entendu parler d’épaves antiques gisant dans les environs des îles, mais elle ne pensait pas en trouver des vestiges, et encore moins à cette profondeur.
Elle se mit à explorer la zone en quête d’autres indices de la présence d’un bateau. Au bout de quelques minutes, d’autres amphores apparurent dans son champ de vision, et soudain, sa main rencontra du métal. Elle en parcouru les contours, le coeur battant à tout rompre. Aurait-elle trouvé l’éperon ? Tout dans cette découverte semblait surréaliste. Elle ferma un instant les yeux pour se calmer avant de remonter vers ses amis pour leur annoncer cette incroyable rencontre. La mer lui sembla plus chaude, elle agita ses palmes le plus rapidement possible, et émergea à une bonne distance de l’endroit où elle avait plongé. Elle ne voyait pas le bateau, était-elle partie trop loin ?
Elle se laissa un instant de répit en flottant sur le dos, le soleil de midi chauffant son corps à l’excès, puis se remit à nager pour contourner l’avancée rocheuse qui lui masquait sûrement l’embarcation dont provenaient probablement les voix qu’elle entendait. Une fois dépassée, elle s’arrêta net, sous le choc. Ses amis n’étaient plus là, et une immense trière romaine, ses grandes voiles repliées, mouillait entre les deux îles. 

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Jour 20 – 19/04/2020
Reine : @angelique_msch
Thème : banquet champêtre
Musique : Caprice, albums Elvenmusic et Girdenwodan.

L’ombre du grand chêne s’étirait de plus en plus loin sur les amoureux qui lutinaient dessous. L’air se rafraichissait, faisant frissonner la peau de leurs corps à moitié dénudés. Au loin, les bruits du village trahissaient l’activité intense qui précède un soir de fête. Ils se rhabillèrent joyeusement, et détalèrent en riant dans les herbes hautes dorées par l’éclat du soleil couchant.
Arrivés essouflés dans la rue principale du village, ils furent enveloppés par une presse joyeuse et s’agitant en tous sens vers la sortie menant aux grands champs. C’était un spectacle toujours curieux que de voir d’aussi petits êtres se bousculer gentiment en transportant du mobilier deux fois plus grand qu’eux pour préparer Mereth Talf. Il s’agissait du grand banquet champêtre auxquels les hobbits conviaient les elfes pour célébrer leur bonne entente. Pour cet évènement tout était mis en oeuvre pour que tous les participants passent une fête inoubliable.
Les amoureux se séparèrent pour aller revêtir chacun leurs plus beaux atours, à l’instar du reste des habitants. C’était l’occasion de faire briller le savoir-faire de leurs maîtres tisserands, fameux dans toute la Terre du Milieu.
Un grand fracas retentit depuis le bout de la rue, qui remonta jusqu’aux dernière maisons. La troupe de musiciens réunie pour la célébration, à force d’enthousiasme et de boisson précoce, était tombée à la renverse avec tous ses instruments, roulant le long de l’artère centrale dans un boucan de tous les diables. Arrivés à la porte de la ville dans un nuage de poussière présentant un enchevêtrement de bras, de jambes et de notes dissonantes, ils se relevèrent en riant devant les villageois interdits qui avaient été témoins de la mésaventure.
Les elfes arrivèrent silencieusement dans les champs en début de soirée, majestueux. Ils ne purent qu’être enchantés devant le spectacle qui les accueillit. D’immenses tables en bois, recouvertes de draps blancs et de fleurs coupées, étaient disposées dans l’herbe, sous les bras protecteurs des grands chênes. Partout brillaient des lampions qui semblaient flotter dans les airs, et des bougies parsemées sur les tables et au sol, sans jamais rien brûler d’autre que leurs mèches.
Un grand feu lançait des étincelles et la musique, joyeuse, résonnait sous la voûte étoilée. Lorsque les elfes s’installèrent à table, tout le monde se tut afin d’écouter le Pahta Nilmë, discours traditionnellement prononcé par l’un des invités afin d’honorer l’amitié millénaire des deux peuples. Après un repas plus que copieux et arrosé, vint le temps des danses, et quel spectacle c’était ! Des elfes musiciens s’étaient joints à la troupe, et leurs voix cristallines s’envolaient, touchant tous les coeurs alentours. Hydromel et clairet coulaient à flots, alimentant les cercles de gigue les plus fous. Dans de grands éclats de rire, elfes et hobbits dansaient sous la lune brillante.
A une heure avancée, alors que Mereth Talf battait son plein, derrière l’un des grands arbres, en retrait des festoyeurs, les amoureux du chêne se retrouvèrent pour une dernière étreinte. Elenwë et Fastred se rencontraient une fois par an, lors des festivités, célébrant à leur manière, l’amour des deux peuples.

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Jour 21 – 21/01/2020
Reine : @paulinelgg
Thème : Princesse barbare
Musique : Battlelore – Album Sword’s song

Cela faisait des jours qu’elle errait dans cette foutue forêt, la dalle au ventre. Quand ses compagnons l’avait lâchée là pour déguerpir devant l’ennemi, au mépris de son rang, elle ne pensait alors pas qu’elle resterait coincée si longtemps dehors.
Dans un premier temps elle les avait copieusement insultés en se lavant furieusement. Comment osaient-ils ? Ils verraient ces gredins, quand elle serait rentrée au château, de quel bois elle se chauffe. En attendant il fallait survivre, des secours finiraient bien par arriver. Puis, les jours passant, elle dut se rendre à l’évidence que personne ne viendrait la chercher. 
Qu’à cela ne tienne, elle n’avait pas besoin de ces pleutres pour subsister. Tapie dans une couche de feuilles mortes, elle ruminait sa colère en attendant de surprendre une proie.
Elle avait bien essayé de pêcher, mais la rivière l’effrayait, et les poissons allaient bien trop vite pour elle.
Après de longues minutes d’attente, un mouvement attira son attention sur sa gauche. Elle darda son regard vert sur les buissons et se prépara à attaquer. Une musaraigne grise en sortit en couinant. C’était minuscule et pitoyable, mais elle bondit dessus en un éclair et lui tordit le cou d’un coup de dents sec. Affamée, elle démembra la bestiole sans un regard en arrière pour l’étiquette, et la dévora telle quelle. Elle se fit rapidement une réputation auprès des rongeurs locaux qui l’évitaient comme la peste. Elle désespérait d’attraper du gros gibier, au soleil contre un arbre, lorsqu’elle entendit son nom résonner entre les arbres. Enfin ! Ces nullards l’avaient trouvée ! 
On la ramena au château dans une confortable litière damassée de satin dans laquelle elle se roula avec délectation. Une fois arrivée et restaurée, elle fit comprendre qu’elle souhaitait que les couards qui l’avait abandonnée dans la forêt soient punis sans attendre.
Le lendemain, on la mit en présence des trois soldats qui n’en menaient pas large. Menottés, il relevèrent soudainement leurs têtes baissées avec un regard ahuri qui l’emplit de satisfaction lorsque leur châtiment fut énoncé.
Elle suivit le bourreau dans les couloirs de pierre sombre qui menaient aux cachots. Installée dans une des cellules, tranquillement assise, elle regardait le spectacle qui s’offrait à elle. Un à un, devant ses paupières mis-closes, les fuyards furent écartelés, atrocement mutilés, et en partie démembrés.
Alors qu’ils gisaient dans leur propre sang, qui coulait sous elle, elle bondit sur le troisième, le regarda droit dans les yeux, et lui griffa profondément le visage. Alors qu’il rendait son dernier soupir, assise sur lui, elle entreprit de faire une toilette minutieuse.
On ne maltraitait pas impunément le chat de Sa Majesté.

4 Comments

  1. Benedicte Reply

    L’idée était déjà très bonne mais tu arrives à décliner les histoires et les genres littéraires de façon captivante. Vraiment. L’exercice impose d’être à la fois brève et pertinente et t’y parviens très bien. Et tes dénouement sont délicieux !

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